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    Pendant des annĂ©es, les noms sont apparus au compte-goutte dans le Journal officiel sans soulever de question. DĂ©cret du 2 mai 2017 : une fille de Jean-Pierre Bansard fait son entrĂ©e dans l’ordre de la LĂ©gion d’honneur. Novembre 2018 : une autre fille de Jean-Pierre Bansard rejoint l’ordre national du MĂ©rite. DĂ©cembre 2018 : c’est au tour du fils de Jean-Pierre Bansard (LĂ©gion d’honneur), puis, en mai 2019, d’une membre du parti politique de Jean-Pierre Bansard (MĂ©rite). Et ainsi de suite.

    Jusqu’à cette nouvelle promotion, celle de trop, qui a suscitĂ© les premiers commentaires dans les couloirs du SĂ©nat. Le 23 novembre 2022, Sarah Cacoub, assistante de Jean-Pierre Bansard, dĂ©croche aussi la LĂ©gion d’honneur. Dans le dĂ©cret qui l’annonce, la distinction de cette jeune femme de 37 ans est ainsi justifiĂ©e : « collaboratrice parlementaire ; 14 ans de services ». Un peu maigre pour se voir accorder une dĂ©coration censĂ©e « rĂ©compenser des mĂ©rites Ă©minents acquis au service de la nation ». Illustration 1 HĂŽtel Matignon, cĂ©rĂ©monie de remise de la LĂ©gion d’honneur. © Photo Denis / REA

    D’aprĂšs une enquĂȘte de Mediapart, cette distribution massive de dĂ©corations Ă  des proches de Jean-Pierre Bansard, sĂ©nateur de 83 ans peu connu du grand public mais qui figure parmi les 300 premiĂšres fortunes de France, est concomitante Ă  un autre Ă©vĂ©nement : le rapprochement qu’il a entrepris avec le gĂ©nĂ©ral BenoĂźt Puga, grand chancelier de la LĂ©gion d’honneur de septembre 2016 Ă  janvier 2023.

    Jean-Pierre Bansard, sĂ©nateur des Français et Françaises de l’étranger depuis 2021, trois ans aprĂšs avoir Ă©tĂ© destituĂ© Ă  cause de pratiques clientĂ©listes rĂ©vĂ©lĂ©es par Mediapart, a nouĂ© avec le gĂ©nĂ©ral Puga, ancien chef d’état-major particulier de deux prĂ©sidents (Nicolas Sarkozy et François Hollande), une relation qu’il qualifie d’amicale, l’invitant Ă  participer Ă  des dĂźners et Ă  des Ă©vĂ©nements personnels, mais aussi Ă  sĂ©journer dans une de ses villas en Corse.

    À la tĂȘte du groupe hĂŽtelier Cible, l’élu a aussi fait appel en 2018 en tant que prestataire Ă  un des fils du gĂ©nĂ©ral Puga, qui venait tout juste de crĂ©er son entreprise. Il avait Ă©galement embauchĂ©, un an plus tĂŽt, la fille d’un administrateur du palais de la LĂ©gion d’honneur. Dans le mĂȘme temps, Jean-Pierre Bansard a proposĂ© Ă  plusieurs de ses proches d’ĂȘtre dĂ©corĂ©s de la LĂ©gion d’honneur et de l’ordre national du MĂ©rite, pilotant directement ces demandes, d’aprĂšs nos informations.

    Selon un dĂ©compte rĂ©alisĂ© entre 2016 et 2023, au moins douze personnes de son entourage familial ou politique ont Ă©tĂ© dĂ©corĂ©es sur cette pĂ©riode (lire le dĂ©tail dans notre BoĂźte noire). À chaque fois, comme le prĂ©voient les textes, les nominations ont Ă©tĂ© validĂ©es par le conseil de l’ordre de la LĂ©gion d’honneur, sans que le grand chancelier ne se dĂ©porte des dossiers, malgrĂ© ses liens personnels avec Jean-Pierre Bansard.

    Mais surtout, dans six dossiers – dont celui de la collaboratrice parlementaire Sarah Cacoub –, les attributions ont Ă©tĂ© faites directement sur le contingent de la chancellerie (et non sur proposition ministĂ©rielle, comme c’est majoritairement le cas), ce qui veut dire que les candidatures ont Ă©tĂ© portĂ©es par BenoĂźt Puga.

    En thĂ©orie, ces demandes particuliĂšres sont surtout censĂ©es venir compenser des oublis dans les demandes Ă©manant des ministĂšres, par exemple pour des vĂ©tĂ©rans de guerre, prĂ©cise un ancien de la LĂ©gion d’honneur : « Le grand chancelier prĂ©sente les dossiers de son contingent en dĂ©but de sĂ©ance, le conseil de l’ordre les avalise. »

    Il est de bon ton de se moquer de la LĂ©gion d’honneur, de dire que depuis bien longtemps le mĂ©rite et l’amour de la nation ne constituent plus les principaux critĂšres d’attribution. Il n’empĂȘche : son prestige est quasi intact. À chaque promotion, la liste suscite articles et commentaires. Les anciens chefs d’État la portent systĂ©matiquement Ă  la veste. Et beaucoup de notables donneraient pĂšre et mĂšre, remueraient ciel et terre pour un jour pouvoir en ĂȘtre dĂ©corĂ©s.

    Est-il possible que d’autres aient pris un chemin bien plus simple et direct ?

    SollicitĂ©s par Mediapart, le gĂ©nĂ©ral et Jean-Pierre Bansard n’ont pas rĂ©pondu Ă  nos questions prĂ©cises. Au tĂ©lĂ©phone, le premier a Ă©vacuĂ© notre demande en affirmant qu’il ne rĂ©pondait pas, « par principe », « aux questions des journalistes, notamment sur [sa] vie professionnelle ou privĂ©e ». Le second s’est murĂ© dans le silence, comme il le fait avec Mediapart depuis des annĂ©es.

    Également interrogĂ©e, la grande chancellerie de la LĂ©gion d’honneur, dĂ©sormais dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral François Lecointre (ancien chef d’état-major particulier d’Emmanuel Macron), s’est contentĂ©e d’une rĂ©ponse gĂ©nĂ©rale. « Comme pour les propositions des ministres, les attributions faites sur le contingent du grand chancelier Ă©manent de sources diverses, parfois de parlementaires », a simplement rappelĂ© l’institution. En prĂ©cisant que toutes les demandes « font l’objet de toutes les vĂ©rifications rĂ©glementaires et d’usage avant d’ĂȘtre prĂ©sentĂ©es au conseil de l’ordre qui Ă©met, Ă  la majoritĂ©, un avis de recevabilitĂ© sur chacune ».

    Dans le code de la LĂ©gion d’honneur, qui rĂ©git le fonctionnement des ordres nationaux, aucun article n’est consacrĂ© stricto sensu Ă  la question des conflits d’intĂ©rĂȘts. Toutefois, selon un ancien membre de l’institution, des rĂšgles de bon sens s’appliquent : les membres du conseil de l’ordre s’interdisent de recevoir des faveurs et se dĂ©portent systĂ©matiquement s’ils connaissent une des personnes concernĂ©es, pour se tenir Ă©loignĂ©s de toute forme de pression.

    Les millions [d’euros], c’est agrĂ©able. Mais la LĂ©gion d’honneur, c’est quelque chose d’autre. Ça tient chaud.

    Jean-Pierre Bansard

    S’il se montre aussi dĂ©vouĂ© pour dĂ©corer ses proches, c’est que Jean-Pierre Bansard accorde lui-mĂȘme la plus haute importance aux titres honorifiques. Dans son bureau sur les Champs-ÉlysĂ©es, ce chef d’entreprise accompli expose fiĂšrement toutes ses dĂ©corations, glanĂ©es au fil des ans. « C’est quelqu’un qui a une obsession de la respectabilitĂ© », rĂ©sume une de ses connaissances.

    Jean-Pierre Bansard, qui a dĂ©barquĂ© Ă  Marseille en provenance d’Oran en 1962, avec en tout et pour tout 200 francs en poche, s’appelait Ă  l’époque BensaĂŻd. Il changera de nom pour Ă©chapper Ă  l’antisĂ©mitisme. « Nous n’étions pas vraiment les bienvenus en mĂ©tropole. Il n’y avait pas 36 façons de se faire une petite place. Il n’y avait que le travail », se souvient-il, dans le portrait que lui a consacrĂ© en 2022 le journaliste du Point Romain Gubert dans son livre La DĂ©coration (Ă©ditions Grasset).

    À 22 ans, Jean-Pierre Bansard enchaĂźne les « petits boulots » sur le Vieux Port, avant de se lancer, en autodidacte, dans l’import-export. Il fonde sa premiĂšre sociĂ©tĂ© de transit, achĂšte des entrepĂŽts du cĂŽtĂ© de Rungis puis crĂ©e au dĂ©but des annĂ©es 1980 le groupe immobilier Cible avec le dĂ©corateur Christian Liaigre. L’homme d’affaires, qui rĂȘve de se faire une rĂ©putation, rĂ©nove le siĂšge de l’AcadĂ©mie Goncourt, rachĂšte la cĂ©lĂšbre marque Solex et prend la tĂȘte du Consistoire de 1992 Ă  1994. Avant de parvenir, bien des annĂ©es plus tard et aprĂšs plusieurs Ă©checs, Ă  se faire Ă©lire au Parlement coĂ»te que coĂ»te.

    Dans La DĂ©coration, Bansard raconte comment il a « pleurĂ© une nuit entiĂšre » quand le premier ministre Raymond Barre lui a remis sa premiĂšre mĂ©daille, celle du MĂ©rite, Ă  la fin des annĂ©es 1970. La scĂšne s’est rĂ©pĂ©tĂ©e quand il s’est fait Ă©pingler la LĂ©gion d’honneur vingt ans plus tard. Jean-Pierre Bansard est ensuite fait « commandeur » en 2008 et accĂšde Ă  la dignitĂ© de « grand officier » en 2015. « Les millions, c’est agrĂ©able. Mais la LĂ©gion d’honneur, c’est quelque chose d’autre. Ça tient chaud. Ça brille dans le cƓur », dĂ©crit-il.

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      Dans le livre, le sĂ©nateur s’exprime Ă©galement sur son lien d’« amitiĂ© » avec le gĂ©nĂ©ral Puga, expliquant l’avoir « invitĂ© chez [lui] » en Corse pour des vacances. « Bansard ne doit rien au grand chancelier puisqu’il a Ă©tĂ© dĂ©corĂ© bien avant la nomination de ce dernier », prend soin de prĂ©ciser le journaliste Romain Gubert. Si l’affirmation vaut pour Jean-Pierre Bansard, elle ne s’applique pas Ă  ses proches.

      D’aprĂšs nos informations, le sĂ©nateur a fait construire, en 2013, un domaine de six villas de luxe sur les hauteurs de Calvi, Ă  une dizaine de minutes de l’aĂ©roport. C’est lĂ  que BenoĂźt Puga s’est rendu. « Une fois », assure-t-il Ă  Mediapart par tĂ©lĂ©phone. A-t-il bien Ă©tĂ© invitĂ© dans son domaine par le sĂ©nateur ? « Oui, bien sĂ»r », confirme-t-il, en refusant d’en dire plus sur les conditions de cette invitation (durĂ©e, prise en charge du transport, etc.). « Calvi, ce ne sont pas les terres de Monsieur Bansard, je connais mieux Calvi que Monsieur Bansard », ajoute-t-il, avant d’indiquer qu’il ne souhaite pas aller plus loin dans l’entretien. Il est vrai qu’il y a notamment commandĂ© le 2e rĂ©giment de parachutistes, de 1996 Ă  1998.

      Les relations entre les deux hommes, aux tempĂ©raments si diffĂ©rents – « l’un tout en rondeurs, l’autre sec comme un combattant », relĂšve Romain Gubert dans son livre – ne s’arrĂȘtent pas lĂ . D’aprĂšs nos informations, le groupe Cible a fait appel en 2018 Ă  la sociĂ©tĂ© Puga immobilier construction, que venait de crĂ©er l’un des fils du gĂ©nĂ©ral, pour participer aux travaux de rĂ©novation de l’hĂŽtel Le Marcel, situĂ© en face de la gare de l’Est Ă  Paris.

      Selon un tĂ©moignage interne, l’idĂ©e de travailler avec cette toute jeune entreprise serait venue Ă  Jean-Pierre Bansard lui-mĂȘme. Augustin Puga, alors ĂągĂ© de 27 ans, a participĂ© Ă  des rĂ©unions de chantier en compagnie de Nathalie Bansard, l’une des filles du sĂ©nateur, qui dirige la filiale hĂŽteliĂšre de Cible. Mais, selon le tĂ©moin prĂ©cĂ©demment citĂ©, le rĂŽle de Puga immobilier construction aurait Ă©tĂ© limitĂ©, la dĂ©marche ayant surtout pour objectif de « mettre le pied Ă  l’étrier » au jeune entrepreneur pour « faire plaisir Ă  son pĂšre ». ConfrontĂ©s Ă  ces dĂ©clarations, Jean-Pierre Bansard et Augustin Puga n’ont pas souhaitĂ© les commenter.

      Un an avant de faire appel Ă  Puga immobilier construction, Cible avait dĂ©jĂ  procĂ©dĂ© Ă  un recrutement dans le mĂȘme Ă©cosystĂšme. La fille d’Yves Minjollet, administrateur du palais de la LĂ©gion d’honneur, a Ă©tĂ© recrutĂ©e Ă  la sortie de ses Ă©tudes par le groupe de Jean-Pierre Bansard, Ă  compter de mars 2017, sur un poste d’assistante de direction, qu’elle a occupĂ© pendant plus de deux ans jusqu’en octobre 2019.

      SollicitĂ©e par Mediapart, la jeune femme n’a pas retournĂ© notre demande d’entretien. Aujourd’hui Ă  la retraite, son pĂšre nous a affirmĂ© que ce recrutement, combinĂ© Ă  la prestation accordĂ©e au fils du gĂ©nĂ©ral Puga, Ă©tait un pur « hasard ». « Bansard, je ne le connais pas plus que ça. Il est venu aprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă©levĂ© Ă  la dignitĂ© de grand officier [en 2016] et a demandĂ© Ă  ĂȘtre reçu par le grand chancelier. On m’a demandĂ© de lui montrer les salons, et voilĂ  comment les choses se sont faites », nous a-t-il indiquĂ©, assurant ne pas avoir prĂ©sentĂ© sa fille Ă  l’homme d’affaires.

      En mars 2017, au moment oĂč ce recrutement se fait, le fondateur du groupe Cible organise pour ses activitĂ©s politiques une soirĂ©e Ă  l’hĂŽtel de Salm, le somptueux palais qui abrite le siĂšge de la LĂ©gion d’honneur depuis 1804 sur les bords de Seine. Dans le but de rĂ©aliser son rĂȘve de devenir sĂ©nateur, Jean-Pierre Bansard a crĂ©Ă© en 2009 son propre microparti, l’ASFE (Alliance solidaire des Français de l’étranger), lui permettant de concourir aux Ă©lections dans la circonscription unique des Français et Françaises de l’étranger, aussi grande par sa taille (le monde entier) que petite par son collĂšge Ă©lectoral (532 Ă©lecteurs et Ă©lectrices), faisant de cette anomalie dĂ©mocratique un paradis du clientĂ©lisme. L’annulation de la premiĂšre Ă©lection de Jean-Pierre Bansard a donnĂ© lieu Ă  un signalement du Conseil constitutionnel ayant dĂ©bouchĂ©, selon nos informations, sur l’ouverture d’une enquĂȘte prĂ©liminaire par le parquet de Paris. Les investigations, confiĂ©es Ă  la Brigade de rĂ©pression de la dĂ©linquance aux personnes (BRDP), sont toujours en cours, indique une source judiciaire.

      La fastueuse rĂ©ception de mars 2017 s’est tenue en prĂ©sence de nombreux conseillers et conseillĂšres consulaires, qui Ă©taient justement appelé·es Ă  se rendre aux urnes six mois plus tard pour les sĂ©natoriales, auxquelles Jean-Pierre Bansard Ă©tait candidat. Pour son « dĂźner de gala », l’homme d’affaires a mis les petits plats dans les grands, offrant mĂȘme Ă  ses invité·es un concert privĂ© de deux violoncellistes de renom, les sƓurs Camille et Julie Berthollet. MalgrĂ© le caractĂšre politique de l’évĂ©nement, il a fait rĂ©gler une partie de la note par le groupe Cible, et non par le parti ASFE, comme l’a rĂ©vĂ©lĂ© Mediapart en 2021.

      Jean-Pierre Bansard avait dĂ©jĂ  privatisĂ© une premiĂšre fois l’hĂŽtel de Salm, le 6 octobre 2016. Cette fois, il s’agissait de cĂ©lĂ©brer « son Ă©lĂ©vation Ă  la dignitĂ© de grand officier de la LĂ©gion d’honneur » mais aussi de profiter de la « venue Ă  Paris » des conseillers consulaires Ă  l’occasion de la « 25e session de l’AssemblĂ©e des Français de l’étranger (AFE) », comme l’indiquait le carton d’invitation. Le document, siglĂ© du logo de l’ASFE, annonçait la « prĂ©sence de Son Excellence le gĂ©nĂ©ral d’armĂ©e BenoĂźt Puga », ainsi que « la participation des solistes internationaux du Conservatoire de Vienne ».

      À chaque fois, la rĂ©servation de l’hĂŽtel de Salm s’est faite par le biais du gardien des lieux, l’administrateur Yves Minjollet. « Aucune prestation ne se fait sans que cela soit encadrĂ© par une convention », rappelle-t-il. QuestionnĂ©e sur cette situation, la grande chancellerie se contente d’indiquer que les privatisations, dont les recettes « contribuent directement Ă  l’entretien des bĂątiments », se sont faites « pour des montants conformes aux tarifs fixĂ©s par le conseil de l’ordre ».

      Une nouvelle « soirĂ©e de gala » est organisĂ©e le 6 octobre 2022, en l’honneur de Jean-Pierre Bansard et de sa numĂ©ro 2, Évelyne Renaud-GarabĂ©dian. AssociĂ©e historique au sein du groupe Cible, cette derniĂšre a aussi dĂ©crochĂ© un siĂšge au SĂ©nat grĂące aux rĂ©sultats spectaculaires de l’ASFE ces derniĂšres annĂ©es. Au Palais du Luxembourg, les deux Ă©lus siĂšgent dans le groupe Les RĂ©publicains (LR) et l’ASFE prĂ©sente Ă  nouveau une liste aux Ă©lections sĂ©natoriales du 24 septembre prochain, sur lesquelles figurent Évelyne Renaud-GarabĂ©dian et
 Sarah Cacoub.

      Cette fois, la sauterie d’octobre 2022 ne se tient plus dans les salons de l’hĂŽtel de Salm mais dans la salle de rĂ©ception de l’hĂŽtel Intercontinental, un cinq Ă©toiles que possĂšde le groupe Cible Ă  deux pas de l’Arc de Triomphe. Elle rassemble des conseillers et conseillĂšres consulaires, bien sĂ»r, et un parterre pour le moins hĂ©tĂ©roclite de personnalitĂ©s : le champion de taekwondo Pascal Gentil, l’avocate et ex-ministre Corinne Lepage, l’éditorialiste du Figaro Yves ThrĂ©ard (qui a aussi participĂ© Ă  des vidĂ©os de l’ASFE dans le passĂ©), comme l’a racontĂ© la Lettre A.

      Entre un concert d’Enrico Macias, venu avec quatre musiciens, et un sketch d’Élie Semoun, surprise : voilĂ  BenoĂźt Puga, en uniforme militaire, avec son Ă©charpe rouge de grand-croix de la LĂ©gion d’honneur, qui se lĂšve de sa tablĂ©e pour prendre la parole devant l’assistance. « J’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© de voir le gĂ©nĂ©ral prĂ©sent en tenue Ă  cette soirĂ©e. Le contraste avec Élie Semoun Ă©tait plutĂŽt saisissant », commente un invitĂ©, restĂ© incrĂ©dule devant cette scĂšne.

      InterrogĂ© sur la compatibilitĂ© entre ses fonctions et sa participation Ă  cet Ă©vĂ©nement, BenoĂźt Puga relativise le poids politique de l’ASFE, avec une explication peu comprĂ©hensible : « C’est un parti politique qui n’a d’existence que pour la partie du SĂ©nat et la reprĂ©sentation des sĂ©nateurs. »

      Une assistante de Jean-Pierre Bansard m’a appelĂ© pour me dire que c’était une candidature superbe, j’ai transmis mon CV.

      Un conseiller consulaire

      Pour le microparti de Jean-Pierre Bansard, le bĂ©nĂ©fice de cette proximitĂ© avec le grand chancelier ne s’arrĂȘte de toute Ă©vidence pas lĂ . En plus des dĂ©corations octroyĂ©es aux membres de sa famille, un ancien proche de l’homme d’affaires tĂ©moigne du fait que le sĂ©nateur aurait profitĂ© de sa position privilĂ©giĂ©e pour proposer « des dĂ©corations Ă  des Ă©lus consulaires », grands Ă©lecteurs des sĂ©nateurs et sĂ©natrices donc, « y compris devant [lui] ».

      Un conseiller consulaire, basĂ© aux États-Unis, affirme ainsi s’ĂȘtre vu proposer d’intĂ©grer l’ordre de la LĂ©gion d’honneur au cours d’un dĂźner avec le sĂ©nateur. « Ensuite, une de ses assistantes m’a appelĂ©, une heure au tĂ©lĂ©phone, pour me dire que c’était une candidature superbe, j’ai transmis mon CV », indique-t-il. Mais le processus se serait finalement brusquement interrompu, au cours d’un second rendez-vous avec Jean-Pierre Bansard. « Il m’a dit : “Est-ce que tu rejoins notre groupe [l’ASFE] ?” J’ai dit non. Il m’a rĂ©pondu : “On n’a pas besoin de toi mais apparemment tu avais besoin de moi”, et m’a alors fait comprendre que je ne serais pas dĂ©corĂ© », retrace-t-il, en expliquant que « [son] dossier n’a d’ailleurs pas Ă©tĂ© traitĂ© ensuite ».

      Comme l’écrit le professeur de sociologie historique Olivier Ihl dans Le MĂ©rite et la RĂ©publique. Essai sur la sociĂ©tĂ© des Ă©mules (Ă©ditions Gallimard, 2007), ces remises publiques de dĂ©corations forment autant d’occasions, pour les Ă©lu·es, « d’alimenter l’expansion d’un rĂ©seau de pouvoir en [les] transformant en vĂ©ritable fontaine d’honneur ». Dit autrement, la thĂšse de son enquĂȘte dĂ©fend l’idĂ©e que le vĂ©ritable bĂ©nĂ©ficiaire d’une dĂ©coration n’est pas tant celui qui la reçoit que celui qui permet de la recevoir.

      Antton Rouget